21.6.06

Lovecraft, guerrier de caoutchouc (2)

confondre transformation et dégénérescence
La famille de je vit sur les valeurs gentilles du bien-né sur lesquelles elle a poussé (surface).
Ils, humains incertains, monstrueux parce qu'incertains, sont basanés, olivâtres, bâtards difficiles, mal-élevés, mal-éduqués et (probablement) mal-intentionnés. Ils ont le front bas, le regard en-dessous, inutile de préciser que lorsqu'ils parlent anglais, ils ont des voix et des accents profondément déstabilisants. Ces voix ne parlent pas, elles épellent, elles ânonnent, elles disent des mots séparés les uns des autres, dans une parodie de langage. Ou bien elles ouvrent la bouche sur un filet incompréhensible, un langage mâché, une nourriture barbare.

Ils commencent leur vie avec une apparence humaine qui les lâche en cours de route, leur transformation est évolutive, comme on dit « maladie évolutive », le temps ne les lâche pas, leur évolution répond aux injonctions d’une nature orchestrée à rebours, elle remonte le temps, l'homme issu des eaux retourne à l’eau, les cendres s’alourdissent.

Ils ne haïssent pas l’humain. Tout au plus ils s’en défont. Ils tachent de se fondre dans un quotidien qui les tirent vers le fond, de préserver leur intégrité aux yeux des hommes. Ils n'essaient pas spécifiquement de les envahir, c’est déjà fait puisqu'en eux le sang chaud est lentement traversé par le sang froid. Ils tentent de vivre leur vie stigmatisée d'ancien Blanc (mal) tourné sous une apparence humaine qu'ils n'ont pas choisie, comme ils n’ont pas choisi leurs géniteurs, qui sont des peaux qui se déchirent chaque jour un peu sur leur écailles et leurs pensées cachées.

Ils sont en mue, ne s'arrêtent pas, ne peuvent pas s'arrêter parce que leurs corps ne le permettent pas, mais au-delà de leurs corps, ce sont les hommes qui ne le permettent pas. Les hommes n'aiment pas les choses qui bougent, les corps chauds et froids en même temps, re-voir, re-faire, re-dire.
Brutes à cerner.

mélanges
La loi existe mais ce qui la dépasse est sans fond.
« M’étant fait une opinion désastreuse sur le nom de Marsh, j’accueillais avec réserve le fait qu’il apparaisse sur mon arbre généalogique ; de la même manière, je fus dépité par la remarque de Mr Peabody selon laquelle j’avais moi-même les vrais yeux des Marsh. »
Les effets ne sont pas encore visibles mais je est déjà au cœur du processus de transformation. Dedans passe Dehors, Dehors se tourne en Dedans, Dedans prend le pas sur la loi.
Je, après un bref passage par l'humanité, rattrapé par les passants abhorrés, privé au fil du temps de sa place, de son tracé.
Je, cerné.

Pour finir étranger à (m)on tour
Mais lui-même passé brute.
Plus rien contre quoi lutter, à moins qu'il ne veuille lutter contre sa chair, et pourquoi le ferait-il? Il est devenu l’autre, celui qu'il craignait lorsqu'il n'était qu'un Blanc pur, mais les valeurs du métèque sont maintenant sa chair de Blanc périmé.

Je plonge vers ses ancêtres, nouveau rite de passage qui le porte au-delà de ses espoirs, de ses désirs, là où ses espoirs et ses désirs de ce temps qui l'a vu chercher ses ancêtres puis les dénoncer, sont devenus caducs.

Retour au Bercail, je lâché par la certitude, par le monde auquel il a cru appartenir pour toujours, mais l’identité n'est pas une essence, elle n'est pas un bien en soi, une propriété, c’est un point de départ. L’identité est un organisme vivant, sujet à transformation, un corps qui contracte des virus, décline et repart, en abandonnant une partie de lui-même sur le côté.


à suivre

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