4.3.06

Retours, par Hwang Sok-Yong et Alberto Manguel

Le vieux jardin
Par Hwang Sok-Yong
Les gardiens l’appellent soudain par son nom, Monsieur O, et lui rendent ses affaires : une bague en or, la photo de sa mère, « un portefeuille tout déformé », une carte d’identité où il est jeune… Son cœur se met à battre plus vite quand on lui apprend que son neveu vient le chercher : « quelqu’un » lui ouvre alors la portière de sa voiture et lui fait découvrir Séoul transformée, ultra-moderne, avant de l’amener chez sa sœur.
O Hyônu sort de prison, après dix-huit ans de rétention pour avoir défendu des idées communistes. Il observe le monde qui l’entoure comme un convalescent, au ralenti, replié sur lui-même pour se protéger. C’est sa sœur qui lui demande s’il n’a pas de nouvelles du « professeur Han », Han Yunhi, sa compagne, avant de lui apprendre qu’elle est morte. Et le récit se déploie alors en deux voix, à la première personne, celle d’O Hyônu et celle de Han Yunhi, qui a laissé un journal où elle retrace son existence durant ces années et la naissance de leur fille…


L’auteur a lui-même connu la prison. Après avoir décrit la mécanique inhumaine du totalitarisme en Corée du Nord dans L’ombre des armes et L’invité, Hwang Sok-Yong raconte ici l’envers du décor du « miracle sud-coréen ». La veille de la sortie du héros, le « chef-coiffeur » de la prison prie pour que ce « frère » « ensevelisse dans son cœur tout ce qui s’est passé » durant ces dix-huit années. Mais le souvenir du traitement que subissent les prisonniers politiques revient tout au long du livre. O Hyônu se remémore ses tentatives impuissantes pour ne pas trahir la révolution en laquelle il a cru, tout en découvrant un pays qui a bien subi une révolution, mais une révolution ultra-libérale, consacrant la défaite de ses rêves d’utopie.

Un livre bouleversante d’un grand écrivain dont l’œuvre raconte ainsi les deux Corée séparées il y a 50 ans, et qui illustre magistralement le désarroi intellectuel causé par la défaite du communisme.
Ed. Zulma, 2005, 576 p., 23 euros.


Un retour
Par Alberto Manguel
Trente ans après, Fabris revient dans la ville qu’il a « précipitamment » quittée. Ce retour est une promenade sans fin, où il se trouve entraîné par la foule, malgré lui, dans d'absurdes allers-retours. Il y croise des figures du passé, qui évoquent les « disparus » ou qui portent sur leur corps la marque d’une répression que l’auteur n’évoque jamais directement. Un très beau roman du génial Alberto Manguel.
Ed. Actes Sud, 2005, 80 p.
Naïri Nahapétian

Aucun commentaire: