6.6.06

Touraine et les femmes

Alain Touraine défend dans son dernier ouvrage, Le monde des femmes, des théories tout à fait surprenantes sur le « post-féminisme ». La première est que la question de l’inégalité homme-femme ne se pose plus autant sur le plan professionnel. Les femmes, dit-il, « ont largement pénétré les activités marchandes, c’est-à-dire les professions qui remplacent les services non marchands traditionnellement assurés par les femmes, et qui sont aussi ceux où les activités sont le plus mal payés ». Quand on sait que seules un quart des ingénieurs et 15 % des chefs d’entreprises sont des femmes, contre 98 à 99 % des assistantes maternelles et employées de maison, on reste sceptique.
Puis, Alain Touraine regrette que les femmes ne soient considérées comme des actrices sociales que quand « leur action est inscrite dans un mouvement collectif organisé ». D’après lui, elles sont de plus en plus convaincues que leur « développement personnel » ne passe pas par « une participation élargie à la vie professionnelle mais par la transformation de leur vie privée, de leur rapport à leur corps, de la construction de leur sexualité ». Dans la foulée, l’auteur, qui dit pourtant rejeter toute définition essentialiste ou naturaliste des genres, affirme que l’homme, contrairement à la femme, « construit le sens de son existence, sa raison d’être, à partir du travail, de la guerre et de la responsabilité ». Or, grâce aux femmes, la volonté de « conquête du monde », si masculine, s’effacerait dans notre société devant celle de la « construction de soi ». Par quelle magie ? Quels moyens utilisent les femmes pour cela ? Quels sont les mécanismes qui permettent cette réhabilitation de l’espace privé dans notre société ? Le livre reste assez mystérieux sur ce plan. On comprend simplement que le nouveau féminisme est très lié aux mouvements gays et lesbiens qui réfléchissent à la redéfinition des genres. Il est aussi moins politique et agressif qu’autrefois.
Un texte plein de paradoxes donc. Le principal paradoxe se trouvant dans les remerciements au début de l’ouvrage. Alain Touraine y rend hommage à sept chercheuses, qui ont signé des rapports sur ces thèmes. « Elles ont été associées à toutes les étapes du travail », écrit-il. Mais leur nom n’apparaît pas sur la couverture de ce livre, qui, au bout du compte, donne très envie de renouer avec un féminisme extrêmement politique et agressif.
Naïri Nahapétian

1 commentaire:

Anonyme a dit…

je veux discuter avec des personnes serieux