1.4.07

Comme tous les après-midi

Un quotidien peuplé des bruits de la rue, fait de petits gestes, entre le samovar et le jardin en fleurs. De brèves histoires de femme, infiniment subtiles, qui racontent, au fil de l’ennui, le temps qui passe… Les nouvelles de l’auteure iranienne Zoyâ Pirzâd semblent ainsi répéter un même récit, celui d’un enfermement sans fin, où l’on trouve néanmoins des ouvertures. Une fenêtre, souvent au centre de ses textes, d’où la narratrice guette son mari, observe un double féminin, quand elle ne s’accroche pas, sous la forme d’un moineau, aux « faïences blanches et craquelées » du rebord.
Ce sont des histoires pleines de non-dits, qui parlent notamment de la guerre en l’évoquant à peine : « le ciel s’est fâché, il a cessé de pleuvoir » dans « Sur le rebord de la fenêtre ». Dans les « Sauterelles », les habitants d’une ville barricadés chez eux pour se protéger, sont réduits à l’état de « gros tas de chair informe muni de quatre moignons ». Plus explicitement, le personnage du « Mug » demande à une femme trouvée dans une vielle photo : « dans quelle guerre votre fils et votre mari ont-ils été tués ? » Mais celle-ci ne répond pas.
Ce sont aussi des nouvelles peuplées de surnaturel, qui épousent ce que le chercheur Christophe Balay, traducteur du recueil, décrit comme la forme de prédilection de la littérature iranienne d’aujourd’hui : la « technique du miroir brisé », inspirée de l’architecture persane (1). Avec ses textes finement tissés, Zoyâ Pirzâd dessine ainsi un univers où l’individu ne réussit à s’exprimer qu’à travers une multitude de fragments aux sens cachés.
Naïri Nahapétian
(Ed. Zulma, 155 p., 16,50 euros)

(1) « Littérature et individu en Iran », Christophe Balay, in Cemoti n° 26.

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